Chaque année tout ce qui compte dans le marché de l’art se réunit à Bâle en Suisse, artistes, galeristes, collectionneurs, curateurs, art advisors et autres agents viennent voir et se montrer. Participer à Art Basel est pour une galerie la consécration et l’occasion de parvenir au dernier échelon d’un marché très segmenté.
Cette année pour 1100 candidatures seules 300 galeries de 34 pays sont sélectionnées, la concurrence est donc rude. Avec cette diversité géographique, de style et la très grande qualité des œuvres présentées Art Basel permet d’avoir une vision globale et mondialisée de l’offre. C’est une parfaite photographie de ce qu’il y a de mieux à vendre sur le marché au jour J.
Un marché de gré à gré, où tout peut se négocier âprement et dans l’urgence, dès les premières minutes, mais il est aussi possible de recevoir un « n’est plus à vendre » selon l’humeur ou encore si la destination de l’œuvre est jugée comme étant une collection insuffisamment prestigieuse. Pour des fins de comparaison depuis le début de 2014 le grand événement des ventes publiques parisiennes, fut la vente au marteau chez Sotheby’s du portrait de Paul Alexandre par Modigliani pour 13,5 millions €, ce qui dépassait de 5.5 millions € l’évaluation haute.
Lors de cette 45e édition dès le premier jour réservé aux VIP, un autoportrait de Andy Warhol « Fright Wig » s’envole au stand Skarstedt Gallery de New-York pour 35 millions $. En 2009 nous avions pu voir un gigantesque tableau rétrospectif de Warhol en vente à 85 millions de francs suisses par Bruno Bischofberger, qui fut son marchand exclusif durant 19 ans. Il fut finalement négocié mais invendu en fin de foire à 75 millions…
Chez Chiem & Read de New-York, un Joan Mitchell pour 3,5 millions $ et aussi chez la coréenne Tina Kim Gallery avec le tableau Afternoon à 9.1 millions $, Joan Mitchell (1925-1992) une figure très importante de l’expressionnisme abstrait et membre de l’aristocratie de la peinture américaine d’après-guerre proche de Pollock, De Koening. Elle partagea la vie de Jean-Paul Riopelle durant 25 ans. Ce même Riopelle trouve preneur Chez Edward Tyler Nahem de New-York avec le majestueux Ombre d’espace peint en 1954 vendu pour environ 2 millions $, ce tableau de la période dite des mosaïques au couteau était pleinement mis en valeur au centre de la galerie.
Fidèle à sa tradition le stand de la galerie montréalaise Landau Fine Arts ne désemplit pas, prenant comme toujours l’allure d’un salon intimiste bercé par une lumière feutrée. L’un des plus importants marchand d’art au monde de la période 1910-1960. Au mur Fernand Léger, Joan Miro, Vassily Kandinsky, couple à double profil de Marc Chagall magnifique et aussi La femme assise de Picasso tel un sphinx.
Ailleurs chez les artistes « vivants » un tableau de Damien Hirst vendu à 6 millions et un de Jeff Koon 5 millions permettent aux artistes de maintenir leur côte. Surabondance de Annish Kapoor et Tony Cragg, il est toujours hasardeux de faire un diagnostic d’une surexposition à Art Basel, déstockage ou réponse à une forte demande ?
Cette année Art Unlimited consacré aux œuvres surdimensionnées compte 78 projets. Soulignons Giuseppe Penone avec un arbre creux tranché de la base à la cime gorgé de sève cristallisée et le chinois Yang Fudong attire notre attention avec une projection à 5 écrans s’inspirant de l’atmosphère de Shanghai des années 1920-30.
Le charme opère toujours à Bâle, la ville entre en vibration des œuvres fleurissent partout dans la ville et l’on ressent toujours la même excitation lorsque nous franchissons les portes compte tenu de l’imprévisibilité de la réalité visuelle qui nous attend. Nous offrant le plus étonnant des déballages, comme ce souvenir d’il y a quelques années sur le stand des Nahmad, 16 Miro d’une série de 23, peints en 1936 « The Masonite Series », 12 provenaient des plus grands musées et collections privées, exposés uniquement à Bâle pour quelques jours afin de participer à la mise en valeur de seulement 4 tableaux qui étaient mis en vente.
Les rencontres impromptues comme les petits événements people rythment la semaine. Jeudi l’artiste Suisse Milo Moiré a été refoulée après avoir tenter d’entrer nue à la foire. Il y a quelques années, 15 minutes après l’ouverture Brad Pitt achète tout le stand de la Milanaise Rosanna Orlandi.
Qui est ou sera la star montante ? Des artistes ajoutent ici un ou deux zéros au prix de leurs œuvres en quelques années ou d’une foire à l’autre, un jeu de super-riches. Ici le délit d’initié n’existe pas, il est fortement encouragé, certainement le marché le moins régulé qui existe. L’art est en guerre permanente et c’est une guerre qu’elle ne peut perdre, comme la vie qui se renouvelle sans cesse.